Aujourd’hui vous avez droit à un article un peu spécial, j’ai décidé de prendre contact avec Bruno Berthier (il est psychologue et utilise les jeux-vidéo, dont Minecraft, avec ses patients) et de lui proposer de répondre à quelques questions pour Minecraft.fr.
J’espère que vous apprécierez cet article un peu différent de ce que nous faisons habituellement, n’hésitez pas à laisser un commentaire sur l’article si vous avez des questions.
Bonjour, je suis psychologue et je reçois dans mon cabinet des enfants, des adolescents ainsi que des adultes. Ces patients viennent me consulter pour des raisons diverses, allant de la déstabilisation passagère face à un événement, à un profond malaise ancré depuis plusieurs mois ou années. Quand c’est la question scolaire qui est mise en avant, cela peut être un questionnement sur l’orientation ou un mal-être dû à une sensation d’échec depuis longtemps.
Les séances permettent de créer un dialogue qui amènera le patient à s’interroger avec le psychologue sur les raisons de son mal-être, ce qu’il faut en comprendre et comment trouver sa voie pour s’épanouir à nouveau.
Techniquement on appelle ça un médiateur thérapeutique, c’est à dire un outil qui va permettre au patient et au psychologue de communiquer plus efficacement, de se libérer davantage, de soutenir la relation thérapeutique qui est la base de tout le travail. Organiser la discussion autour d’un sujet commun permet un échange plus intense et plus riche, on se sent plus en confiance et il devient plus facile de donner de soi au psychologue en qui on a appris à faire confiance dans le secret et l’intimité de la consultation thérapeutique.
La méfiance de certains patients face au psychologue se transforme peu à peu en curiosité, et un adolescent curieux c’est déjà une bonne chose. L’échange se fait par et/ou autour du jeu, le patient donne de lui-même naturellement sans être écrasé par ses défenses qui l’étouffent tellement si on était resté à discuter en face à face.
Les parents sont assez décontenancés car certains ont l’impression qu’on ne fait que jouer alors qu’on est en plein dans le thérapeutique. Dans une séance on ne joue pas à un jeu vidéo, on fait de la thérapie avec un jeu vidéo. C’est grâce au cadre thérapeutique que le psychologue instaure dans son cabinet que cela est possible et les patients ne s’y trompent pas, même inconsciemment ils savent qu’ils sont en train de parler de comment ils sont, de leurs angoisses et ça les rassure de voir qu’ils sont capables de le faire et que quelqu’un est là pour prendre ce qu’ils ont à dire.
Pour moi, l’utilisation des jeux vidéo est aussi naturelle que d’utiliser le train en bois, les kaplas ou les playmobils avec les patients plus jeunes. Certains patients sont dans le numérique, j’y suis aussi alors autant en faire une force à l’appui des thérapies !
De plus en plus de psychologues utilisent les jeux vidéo mais il y a encore beaucoup de résistances pour certains psychologues liées à une méconnaissance du média et de son apport indéniable au niveau thérapeutique.
Il a d’abord fallu que je le pratique moi-même, que je ressente ce jeu en tant que joueur afin que je puisse évaluer, en tant que psychologue, si ce jeu est d’un intérêt thérapeutique ou non.
Et Minecraft l’est, à plus d’un titre ! J’aime la manière dont ce jeu vient chercher les ressources intellectuelles du joueur, l’oblige à penser ses actions, à les organiser, à prévoir et surtout permet de réaliser quelque chose de concret, bien visible. “c’est moi qui l’ai fait !” “je sais faire ça !” “j’ai appris ça je vais te montrer !” sont des phrases que j’entends toutes les semaines. Fier de savoir, fier de comprendre, fier de réussir à faire et être capable de le montrer. Pour certains patients ces quelques mots ne sont presque plus connectés au monde extérieur, au scolaire, mais ont pu trouver une place dans Minecraft.
Minecraft offre des possibilités d’expression tellement vastes et c’est justement ce que recherche un psychologue, alors avec un jeu “bac à sable” c’est impeccable ! J’aime l’idée que ce jeu donne l’impression qu’il est simpliste alors qu’il peut être d’une incroyable complexité. C’est un peu comme avec la thérapie, finalement ce n’est qu’un échange de mot mais dès qu’on va dans les couches profondes du psychisme ce n’est plus aussi simpliste….
Il y a beaucoup de choses à faire et à montrer ; pourquoi ce patient me montre ça précisément, à ce moment-là ? Quel est le message sous-jacent ? Que dois-je en comprendre ?
Le meilleur parti à en tirer c’est quand l’équilibre entre les différents domaines qui composent la vie de l’individu est maintenu le plus harmonieusement possible. L’individu fera attention naturellement à ce que l’école ne prennent pas toute la place, les parents parfois un peu à l’écart mais pas trop, le jeu vidéo présent mais les copains aussi, etc.
Un exemple où Minecraft devient négatif ? Désinvestissement scolaire croissant, conflit avec les parents et les profs qui mène à une incompréhension de plus en plus importante, pourtant le jeune n’a pas envie de lâcher mais ne sait plus comment faire. Minecraft permet de continuer à utiliser sa mémoire, sa concentration, son intelligence, tout ça “un peu à côté” de l’école.
Ça devient franchement problématique quand le patient croit (inconsciemment) que Minecraft devient LE chemin principal de construction de l’individu, ce qui ne peut pas être possible puisque ce n’est qu’un jeu vidéo… Vous voyez bien le biais dans ce cas-là mais ce qui n’empêcherait pas une thérapie avec Minecraft pour apprendre à le remettre au second plan et retrouver son épanouissement général oublié en route.
Une pratique intensive, excessive de Minecraft, serait donc vue pour moi comme un symptôme que quelque chose ne va pas bien puisque l’équilibre est perturbé.
Ecoutez ce qu’il se dit de vous et ce que vous ressentez personnellement, certaines fois les messages sont à portée de main…
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Merci encore à Bruno d’avoir accepté de répondre à nos questions // Lire son itw sur Jvlemag