[ECO #1] L'Austérité, pourquoi ça ne marche pas ?

Paradox

yo
8 Avril 2015
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Gotham city
Salut à tous,
Je crée ce topic suite à cette remarque de @Cercus , disant que baisser les dépenses publiques, c'est bien.
- "Diminuer la dépense publique de 100 milliards" -> Cela permettrait de faire des économies

Je vais donc vous expliquer pourquoi non, ça ne marche pas et ce n'est pas bon, contrairement à ce que veut nous faire croire une grande partie des candidats à la présidentielle.
Cela s'appelle une politique d'austérité. Si vous ne savez pas ce que c'est, alors voici la définition :

S'il s'agit de résorber les déficits publics ou de diminuer l'endettement du pays, une politique d'austérité cherchera à réduire les coûts et les dépenses publiques.


"Nous savons pourtant, depuis la Grande Dépression, que l'austérité ne fonctionne pas. Le Fonds monétaire international [FMI] en a refait la démonstration plus récemment [lors des dernières crises monétaires] en Amérique latine et en Asie, et c'est à nouveau le cas actuellement en Europe. Ce qui est stupéfiant, c'est qu'autant de dirigeants politiques continuent malgré tout d'appuyer ces politiques discréditées, même si des voix aussi conservatrices que le FMI leur disent aujourd'hui que leur austérité est dangereuse et qu'il faut s'occuper de toute urgence de stimuler l'économie. C'est comme si les gouvernements avaient cessé d'écouter."
Joseph Stiglitz - entrevue accordée au Devoir, 13 avril 2013

Si vous ne savez pas ce que c'est le FMI, le Fonds Monétaire Internationale, c'est une assemblée de 189 pays qui gèrent la stabilité économique du monde, en gros.

1er mythe : les dépenses publiques plomberaient l'économie. Il serait donc logique de diminuer les dépenses publiques pour relancer une économie exsangue.

En fait, c'est exactement l'inverse, et même le FMI en est désormais convaincu. Il faut dire que les multiples épisodes d'austérité budgétaire de ces dernières décennies ont fourni plus d'une preuve empirique aux prédictions des économistes. C'est désormais prouvé : 1 euro de baisse des dépenses publiques se traduit par 2 à 3 euros de réduction d'activité économique (Blanchard 2015, Wilkinson et Pickett 2013). C'est à dire que pour une baisse de 100 milliards d'euros de dépenses publiques, c'est presque 300 milliards d'euros qui disparaissent de l'activité économique.

En clair, réduire la dépense publique mène à la récession, c'est à dire à une baisse de l'activité économique, puis à l'enlisement (moins de croissance, par exemple). C'est en particulier vrai lorsque de nombreux pays s'ajustent en même temps, comme lorsque l'UE impose la "règle des 3%" à tous ses états membres, un des nombreux traités européens un peu chiant sur les bords.

En fait, la dépense publique a un énorme effet d'entraînement sur l'économie d'un pays. En effet, contrairement à ce que les mythes néolibéraux tendent à faire croire, la dépense publique n'est pas de l'argent qui serait siphonné de l'économie pour disparaître dans le néant. Lorsque cet argent est distribué aux ménages modestes, il est instantanément dépensé (et contribue donc à la demande des entreprises). Quant il sert à construire des bâtiments ou des routes, il retourne directement dans la poche des entreprises sélectionnées. Cela sert donc à faire marcher l'économie.

2e mythe : Il faut à tout prix rembourser la dette, olala il faut dépenser moins !

La France est surendettée et ce n’est rien de le dire (plus de 2000 milliards !) Donc, pour combler les trous dans les caisses, pour paraître cette grande, prospère et puissante nation qu’elle fut jadis, la France réclame aux banques privées des fonds, puisqu'elle ne peut plus le faire avec la BCE, qu’elle obtient immédiatement, car l’affaire est juteuse pour les créanciers. Faute de pouvoir équilibrer la balance budgétaire année après année, elle doit emprunter à nouveau. Primo pour faire fonctionner le pays, secundo pour rembourser le montant du précédent prêt, tertio pour rembourser les intérêts de ce dernier, d’un pourcentage indécent. Et ainsi de suite... C’est un cercle vicieux infernal ! Et cette arnaque engendre un effet inflationniste néfaste in fine.

Sauf que ! Non, la dette ne fait pas si peur que ça. 2000 milliards, reportés sur UNE année de PIB, c'est monstrueux. Sauf qu'on ne va pas rapporter ce que tu dois pour ta nouvelle maison à UNE année de revenus, si ? La dette, il faut la prendre en compte pour à peu près 7 ans, c'est à dire sur sa durée de remboursement. Et ramenée à cette échelle, ça ne représente que 12% du PIB, et non pas plus de 100%.
Deuxièmement, personne ne va rembourser la dette grâce à l'austérité. Vous pensez vraiment que des pays comme l'Italie vont le faire ?
L'austérité n'est pas la solution. Globalement, il y a trois solutions pour rembourser la dette :

1/ L'inflation. Quand c'est bien utilisé, ça peut-être très efficace, y'a pas mort d'hommes et c'est moins contraignant pour la population que l'austérité. Il peut y avoir des effets négatifs, mais ça se gomme rapidement.
Solution ? La BCE rachète toutes les dettes de tous les pays européens, comme ce qu'on pouvait faire avant le traité de Lisbonne de 1973. Concrètement, ça va faire une inflation de seulement 6 ou 7%. C'est la version la plus contrôlée et la plus raisonnée.

2/ La guerre. Je pense que personne ne la veut.

3/ La Banqueroute, une vraie catastrophe.

Voilà ! Merci de m'avoir lu :)
 
Une banque n'est pas un haut lieu d'autorité - et a en général bien assez de magot comme ça.

Le bon sens voudrait que les états essuient de leurs ardoises ces chiffres ahurissants et aliénants qui ne veulent plus rien dire.
 
Le bon sens voudrait que les états essuient de leurs ardoises ces chiffres ahurissants et aliénants qui ne veulent plus rien dire.
C'est exactement ce que j'ai dit. Surtout que presque la moitié de la dette est infondée; c'est à dire qu'elle représente seulement les intérêts. La solution serait donc que la banque centrale européenne rachète toutes les dettes.
 
Oui, mais toutes les dettes de qui ?
Si je ne me trompe pas, une bonne partie de cette dette est "dûe" à des pays non européens, et là la BCE ne pourrait pas grand chose ?

J'avoue que c'est pas une question qui me préoccupe énormément, mais j'aurai tendance à penser un peu naïvement que la coopération doit être d'ordre mondiale dans un système monétaire mondialisé.
 
Oui, mais toutes les dettes de qui ?
Les dettes des pays européens, puisqu'on parle de ça en ce moment. Beaucoup d'autres pays du monde ont un contrôle total sur leur banque centrale, comme la chine par exemple, qui peut choisir d'apprécier ou de déprécier sa monnaie, ou de racheter ses dettes. On peut aussi parler des USA, qui ont utilisé cette même solution d'inflation pour se sortir de la dette.

Si je ne me trompe pas, une bonne partie de cette dette est "dûe" à des pays non européens, et là la BCE ne pourrait pas grand chose ?
Je comprends pas trop ce que tu veux dire, mais non, la dette des pays européens n'est due qu'au traité de Lisbonne, qui a voulu que les pays empruntent aux banques privées plutôt qu'aux banques centrales.

J'avoue que c'est pas une question qui me préoccupe énormément, mais j'aurai tendance à penser un peu naïvement que la coopération doit être d'ordre mondiale dans un système monétaire mondialisé.
Ca ne peut pas marcher comme ça, pour plein de raisons un peu chiantes à évoquer. En tout cas c'est une question qui devrait te préoccuper, car cette situation pourrait mener à une guerre en Europe, et je ne rigole pas.
 
1/ L'inflation. Quand c'est bien utilisé, ça peut-être très efficace, y'a pas mort d'hommes et c'est moins contraignant pour la population que l'austérité. Il peut y avoir des effets négatifs, mais ça se gomme rapidement.
Solution ? La BCE rachète toutes les dettes de tous les pays européens, comme ce qu'on pouvait faire avant le traité de Lisbonne de 1973. Concrètement, ça va faire une inflation de seulement 6 ou 7%. C'est la version la plus contrôlée et la plus raisonnée.

Je dis peut être une connerie, mais ce n'est pas (en parti) ce que fait la BCE avec sa politique de quantitative easing ?
 
Je dis peut être une connerie, mais ce n'est pas ce que fait la BCE avec sa politique de quantitative easing ?
Ca n'avance pas, c'est très controversé, c'est de la demi mesure et le but n'est pas de racheter les dettes mais d'augmenter la masse monétaire pour créer un inflation vers les 2% pour relancer une croissance. C'est pas la même chose du coup, en aucun cas. Et la politique menée par l'Allemagne, et donc par l'Europe, c'est bien celle de l'Austérité : comme ce qu'avait fait endurer Bruxelles à la Grèce.
La BCE ne peut plus prêter aux pays directement depuis le traité de Lisbonne de 1973, les états sont obligés d'emprunter aux banques privées.
 
La BCE ne peut plus prêter aux pays directement depuis le traité de Lisbonne de 1973, les états sont obligés d'emprunter aux banques privées.
C'était quoi la raison ayant poussé à ça ? Éviter l’ingérence étatique, limiter les interventions des nations afin d'éviter l'inflation et assurer la stabilité de la zone euro ? J'ai juste ?

Pour la Grèce, je suis d'accord, puisqu'on est dans une Europe à la con qui lui refuse cette possibilité (ainsi qu'à quelques autres pays), mais elle n'a, du coup, pas bénéficié de ce plan.
J'ai un peu de mal à cerner la différence entre injecter du pognon et injecter du pognon.
J'ai bien compris que dans le premier cas, c'était +- fait de manière indirecte (pour limiter l'inflation et les problèmes que ça peut poser) en utilisant le marché secondaire. Mais, qu'elle est l'alternative ? + d'inflation et dévaluation de la monnaie ? Investissement de l'Etat dans certain secteur ?

Sinon, pour le QE, j'interprète peut être mal, mais:
"désigne un type de politique monétaire dit « non conventionnel » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des bons du trésor"
Pour moi, c'est bien le même concept.
 
C'était quoi la raison ayant poussé à ça ? Éviter l’ingérence étatique, limiter les interventions des nations afin d'éviter l'inflation et assurer la stabilité de la zone euro ? J'ai juste ?
En gros c'est ça ouais, disons plus simplement que les états avaient tendance à emprunter un peu trop et que ça entraînait de l'inflation.

'ai bien compris que dans le premier cas, c'était +- fait de manière indirecte (pour limiter l'inflation et les problèmes que ça peut poser) en utilisant le marché secondaire. Mais, qu'elle est l'alternative ? + d'inflation et dévaluation de la monnaie ? Investissement de l'Etat dans certain secteur ?
Oui ça l'est, la BCE ne peut pas racheter directement la dette. D'ailleurs, la BCE ne peut détenir plus d'un tiers de la dette publique d'un État, donc c'est encore une fois de la demi-mesure.

Pour moi, c'est bien le même concept.
Eh non ! la QE que met en place la BCE actuellement, c'est de la demi-mesure comme j'ai dit plus haut, et ça ne réglera pas le problème. La QE de la BCE ne sert pas à rembourser les dettes mais bien à créer de l'inflation pour garder un taux d'à peu près 2%, ce qui est considéré comme étant stable monétairement. Faudrait déjà commencer par changer les traités européens si on voudrait que ça soit clairement efficace.
 
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Je rajouterais aussi que couper dans les programmes sociaux n'est pas une bonne idée. Au Québec, des organismes communautaires sont menacés ainsi que les logements sociaux. À cause de l'austérité, le programme Accès Logis est menacé. L'austérité favorise la pauvreté et l'itinérance.
 
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