En fait, que les professeurs donnent leurs opinions n'est pas un mal dans l'absolu, pour des raisons déjà évoquées. Mais ce qui manque peut-être aux élèves pour prendre du recul, c'est la diversité d'opinions au sein de l'éducation nationale. J'entends qu'il y a beaucoup de professeurs adhérant au spectre "modéré" de la politique. Ils pensent d'une façon assez simpliste : Le Pen est une fasciste, Poutine est un salaud, Trump est une ordure, l'UE est formidable. Comme les médias de masse propagent les mêmes idées, ces professeurs se pensent légitimes de les énoncer en classe. Les professeurs n'adhérant pas à cette vision de la société, eux, se taisent, soit parce que leurs opinions sont trop mal perçues pour être dites, soit parce qu'ils veulent mieux respecter leur devoir de neutralité. Cette hypothèse se base sur mon expérience scolaire et est donc subjective, mais si elle est juste, cela expliquerait que le libéralisme se perpétue malgré son impopularité immédiate quand il s'agit de faire passer des lois qui vont en son sens.
Il y a 50 ans en France, les opinions étaient beaucoup plus multiples et complexes. Une amie à moi m'a raconté que ça discutait entre élèves : il y avait réellement des confrontations et des mouvances d'idées, et puis finalement des remises en question (au sortir de certains lycées, on pouvait même voir des stands politiques). Les professeurs avaient leurs opinions, mais elles variaient tellement entre eux qu'ils pouvaient les dire sans crainte. Et à la télé on pouvait voir des débats enflammés, des journalistes engagés mais toujours respectueux. De nos jours, on s'intéresse plus tard à la politique, et mollement : beaucoup de gens, même adultes, se positionnent sans même lire les programmes, sans même avoir une analyse profonde des idées et des candidats. Cela dit, j'ai l'impression que les jeunes (18-30 ans) se méfient de plus en plus des médias et de la pensée unique qui s'y est insidieusement installée ces 30 dernières années. Même si cette insoumission semble se répandre au-delà des générations, de façon plus ou moins convenue.